Categoria : memoria e storia

“A Pierre, l’amour d’une vie” di Anna Maria Sechi

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Mon amour…
Où que tu sois,
Ces mots te diront :
Tout me manque de Toi,
J’ai le cœur affligé,
Notre grand lit est froid !
Je tourne et me retourne,
Sans l’étreinte des tes bras!
Je vis mon présent,
Dans notre maison vide,
Mes nuits et mes jours
Rêvant ton amour!
am.sechi

Belgique, au début de l’année 1955, mes parents reçurent une lettre d’un neveu, décrivant la situation économique de notre village et de la Sardaigne en général. Celle-ci elle empirait jour après jour, il écrivait avoir perdu tout espoir de trouver un quelconque travail lui permettant de vivre. En désespoir de cause, il avait pris la décision de s’inscrire pour venir travailler dans les charbonnages belges. Il nous écrivait pour nous annoncer son arrivée en Belgique et pour nous dire qu’il nous communiquerait son adresse prochainement.

Mes parents étaient tristes d’apprendre que lui aussi avais pris la décision de quitter le village comme tant d’autres en cette vague de l’immigration italienne, pour devenir ouvrier mineur en Belgique. Quitter la Sardaigne était le seul moyen pour lui d’échapper à la misère noire et pouilleuse qui mettait à genoux l’ensemble de la population sarde. Je me souviens, j’étais contente de savoir que bientôt j’aurais un cousin près de nous. J’avais à peu près cinq ans lorsque nous avons quitté notre village. Je savais que j’avais beaucoup de cousins et cousines, mais ils étaient restés dans notre village. On n’en avait aucun près de nous. En quittant notre terre on a aussi quitté notre grande famille, tantes, cousins, cousines et amis. J’avais hâte de le voir arriver. Au mois d’août, mes parents reçurent une autre lettre du cousin leur annonçant qu’il était en Belgique et leur communiquant l’adresse de la cantine où il logeait. A Milan, au centre de l’immigration, on l’avait dirigé vers le Limbourg où il avait déjà pris son travail dans le charbonnage André Dumont, à Winterslaag. Le dimanche suivant, mon père prit le train pour aller le trouver. Au cours de cette rencontre, mon père lui proposa de se faire transférer pour travailler dans les mines de la région du Centre, en Wallonie où nous habitions. Le cousin qui se sentait comme un orphelin perdu au milieu d’une grande ville, accepta de bon cœur de nous rejoindre. Il arriva chez nous quelques semaines après, mon père reprit le train pour aller le chercher. C’était un dimanche, nous les attendions tard dans la soirée, mais, à notre grande surprise, ils sont arrivés bien avant. J’avais à peine lavé mes cheveux, malgré qu’ils étaient bouclés de nature, j’avais mis des bigoudis pour qu’ils soient moins volumineux. Lorsque j’entendis la voix de mon père je me suis tellement empressée d’aller les saluer que j’ai oublié de les enlever. En me voyant, mon cousin, Pierre, eut un moment d’étonnement. Il me regarda des pieds à la tête, surpris de voir que je n’étais plus la petite gamine qu’il avait en mémoire puisque quatre à cinq ans s’étaient écoulées depuis la dernière fois qu’il m’avait vue. Entre dix et quatorze ans, une fille change. J’étais devenue une belle jeune fille et il ne s’y attendait pas. Sa présence auprès de nous changea notre existence. Nous ne nous sentions plus seuls et tout nous paraissait moins triste. Je me sentais vraiment plus joyeuse car j’avais de la compagnie; mon père me laissait aller au cinéma avec lui. Il sortait peu, lorsqu’il devait faire des achats, il me demandait de l’accompagner, ce que je faisais avec plaisir. A la fin nous étions devenus comme les doigts d’une seule main, Peu à peu, je lui ai appris à parler le français et en échange il m’apprenait à danser. Il était bon danseur et quand il allait danser il m’emmenait toujours avec lui. Jour après jour je m’apercevais que mon beau cousin sympathique faisait de plus en plus partie de ma vie et des tous
Pagina 2 di 4mes rêves de jeune fille. Je ne voyais que lui et aux regards qu’il avait pour moi, je comprenais bien qu’il éprouvait les mêmes sensations, l’amour naissait entre nous deux. J’avais quinze ans lorsque ses lèvres se sont posées sur les miennes pour mon premier baiser d’amour. Ce premier baiser m’a suffit pour comprendre qu’il était l’amour de ma vie. Nous nous sommes fiancés et l’année après nous nous sommes mariés. J’avais seize ans, lui vingt huit. C’est ainsi qu’ensemble, main dans la main, nous avons commencé notre parcours de vie. J’ai eu très vite notre première fille mais par incompétence de l’accoucheuse de la maternité, elle est morte en naissant. Pendant les heures de travail d’accouchement, elle a catégoriquement refusé de faire appel à l’assistance d’un médecin, elle me disait d’un ton acide, « Je sais faire mon travail seule ». Après 14h ou 15 heures, elle s’aperçut que l’enfant était en souffrance et me conduisit en salle d’accouchement. Toujours en me refusant l’aide d’un gynécologue, l’enfant naquit. Elle le roula dans un linge blanc et disparu dans la pièce voisine. En revenant vers moi peu après avec l’enfant dans le linge, elle me cria « Voila tu as crié tellement fort que tu as suffoqué ton enfant ». Elle me la fit à peine entrevoir sans même me donner le temps de l’embrasser. En entendant ses accusations sur moi, j’ai eu une telle bouffée de haine envers cette maudite femme de malheur, que je le ressens encore aujourd’hui. En ce temps là, on disait de nous « les femmes italiennes » que nous étions délicates, que nous ne savions pas souffrir en silence. On n’entendait que ça tout au long de la journée. Nous pouvions porter plainte pour les mauvais soins reçus, mais étant des immigrés depuis peu en Belgique, nous n’avions pas d’argent pour le faire et nous n’aurions pas trouvé d’avocats qui nous auraient défendu à bas prix. Moi et mon mari, déçus et malheureux, avons fait notre deuil en pleurant toutes les larmes de notre corps, enlacés l’un à l’autre. Pour mon deuxième accouchement, traumatisé par le drame vécu pour mon premier, j’ai pris la décision d’accoucher à la maison. Il s’en est fallu de peu que moi et mon enfant y laissions notre vie, un miracle s’est sans doute produit. J’en remercie la Sainte Vierge. Vers la fin des six années d’ouvrier mineur, lors d’une visite médicale, de routine, le médecin prévient mon mari que d’après ses examens radiographiques, ses poumons avaient des taches de silicose. Il lui conseilla donc de quitter la mine au plus vite avant qu’il soit trop tard. Quitter le travail de mineur n’était pas facile. Dans ses mains, il n’avait aucune des qualifications qui lui permettraient d’avoir une place en usine. Que faire ? Dans l’espoir de préserver la santé de Pierre, nous décidâmes de nous engager tous deux comme personnels de maison. Sans peine, nous avons trouvé une place à Bruxelles. Quelques années après, mon mari eut l’occasion de suivre un cours de réinsertion où il apprît la profession d’ouvrier rectifieur de précision. Pour suivre ces cours, il devait savoir lire et écrire le français. Tous les soirs, je lui faisais des leçons de français. Il lui arrivait de perdre la confiance en lui. Je cherchais alors à lui donner un peu de mon énergie en lui disant qu’il devait aller jusqu’au bout, pour son bien, et pour notre petite famille. Il termina sa formation avec des éloges. Celle-ci lui a permit de travailler vingt-cinq ans dans une usine d’application du diamant industriel. Par la suite, il est devenu un bon ouvrier apprécié par ses ingénieurs et ses amis de travail. Il ne perdait jamais une journée aussi bien à la mine qu’à l’usine et était toujours ponctuel. Il avait des mains en or et à la maison il était très bon bricoleur. En 1964, nous avons eût une autre fille, notre vie semblait aller vers un mieux. Quelques mois après sa naissance, elle tomba malade. Loin d’être une banale maladie d’enfant, après une série d’examens clinique, le pédiatre nous annonce que notre fille est atteinte de la thalassémie majeure. Commence alors pour nous un long chemin de croix sans espoir de guérison. En ces années, la thalassémie en
Pagina 3 di 4Belgique n’était pas connue comme de nos jours, nous vivions donc dans le désarroi. Dès lors, mon attention et ma vie étaient entièrement dévouée à notre malchanceuse fille, je m’accrochais à elle et elle à moi. Tout au long de sa vie je n’ai vécu que pour elle. Elle nous a quitté à l’âge de 21 ans des suites de sa maladie, elle était merveilleuse, studieuse avec une maturité qui dépassait de loin son jeune âge. Moi et Pierre, avons vécu des années difficiles car il ne comprenait pas mon éloignement. A la perte de notre fille, nous étions détruits, l’amour entre nous deux semblait fini à jamais. Nous avons entamé la procédure de séparation. Il avait loué un appartement pour lui, tout était prêt pour le déménagement, on attendait un ami qui, avec sa camionnette, il devait venir chercher le mobilier que nous avions partagé. A force de penser à notre vie, au malheur que tous deux avions vécu avec la maladie de notre chère fille, je suis allée vers lui et je lui ai dit : Et si on recommençait notre vie ensemble, qu’en penses-tu ? Nous ne pouvons pas vivre l’un sans l’autre, nous nous sommes tant aimés, t’en souviens-tu ? On s’est regardés et nous nous sommes embrassés versant des larmes comme des enfants. Nous avons continué notre chemin main dans la main entourés par l’affection de notre fille son mari et les enfants, jusqu’au trois janvier de l’an 2016, date ou mon mari a expiré dans mes bras à la maison en présence de notre fille et de son fils ainé. Depuis quelques années on savait qu’il était atteint de la maladie d’Alzheimer, maladie affreuse et destructrice, le dépouillant de sa mémoire et de tout son être. Ma fille et moi, l’avons assisté à la maison avec amour et affection. Je ne me sentais pas de le placer dans une institution, nous sommes resté ensemble jusqu’à son dernier soupir. Maintenant je me sens perdue, sa présence me manque. Soixante ans se sont écoulés depuis l’an 1955, dans les derniers jours de sa vie, même si, je savais que probablement il ne me comprenait pas, je lui disais que nous avions eu la chance de vivre ensemble toutes ces années, que nous avions eu la chance de voir grandir nos trois petits enfants beaux comme des fleurs, que nous avions eu la force de sauver notre mariage et de nous être tant aimés. La vie a ses lois, je savais que l’heure de la séparation était proche. A présent, mes pensées ne sont plus tournés vers mes lendemains ; ma tête et mon cœur sont inondés des souvenirs que j’ai vécu avec lui, plus je regarde notre passé, plus je m’aperçois combien je l’ai aimé et combien je l’aime encore. Il a été pour moi, mon gentil cousin, attentionné et délicat, mon époux et mon amant toujours plus amoureux, il m’a soutenu dans tout ce que j’entreprenais. Depuis ce premier jour de ce lointain 1955, il a été le seul et unique compagnon de mon existence. Nos années sont rangées Je ne vis plus sans toi ! Rien qu’en toi, je me vois, Nos souvenirs sont déliés Ils m’attristent et j’ai froid ! Je veux être dans tes bras ! / am.sechi
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